lundi 29 septembre 2025

La peur de la "divination". Que dit le Tarot ?



Vidéo complète ici


J'ai envie de parler de divination.

Parce que, par exemple pour les cartes, tarots et oracles, on entend beaucoup de personnes qui tirent les cartes se défendre de faire de la divination.

En sous-texte, cela signifie en général : moi, je me distingue de ces pratiques qui consistaient à te dire quand tu allais mourir, les catastrophes qui devaient jalonner ton parcours, les combinaisons gagnantes de la loterie, etc.
Bon, je caricature. J'ai pris les extrêmes car ce type de prédiction, déontologiquement, ne se fait plus. Mais cela peut être, couramment, de demander à savoir ce qu'il va se passer avec cette personne, ce que va donner cet entretien, etc. Ce type de question qui appellerait uniquement un verdict prédéterminé (et écarterait a priori d'un travail sur soi).
En réalité, l'art de tirer les cartes peut amener à bien plus de choses qu'il n'y paraît, même sur une simple demande de prédiction. Cela peut appeler une première réponse qui donne simplement une tendance, une météo dans le présent, mais peut faire surgir des échos chez la personne qui consulte. La conduire à d'autres questionnements : par exemple, comment m'y prendre, quoi regarder de plus près, etc., pour modifier la situation non souhaitée, qu'est-ce que je cherche au fond, etc.

Ce "disclaimer" mis en avant envers la divination, la voyance, la mantique (du grec mantiké, l'art de la divination, -mantie), est déclamé depuis bien longtemps en réalité.

Dans le monde des cartes, les occultistes du XVIIIe, et leur science, ont pris soin de se démarquer des pratiques de bonnes femmes cartomanciennes, ou d'un certain "coiffeur" nommé Alliette - à qui on doit quand-même aujourd'hui le tarot ésotérique le plus pratiqué dans le monde, le Tarot Rider Waite Smith, puisque l'occultiste Arthur E. Waite a repris les travaux du Tarot d'Etteilla, pour ce qui est de la signification des lames mineures. (Ex...)

On peut imaginer, plus loin dans le temps, le même genre de démarcation, par exemple, entre les pratiques des anciennes, des anciens des campagnes, répondant à des besoins quotidiens, et celles des grands mages proches des sphères de pouvoir.

Et pourtant, nous avons toujours cherché, et nous cherchons toujours, à mieux connaître ce qui nous favorise et ce qui nous défavorise, ce qui va nous permettre, nous aider à réussir telle ou telle chose, à prendre une décision... Ce qui va nous guider dans une orientation de parcours. 
Nous cherchons à obtenir des informations, certes, mais nous cherchons aussi quoi mettre en place pour nous favoriser. Par exemple, si on se réfère aux pratiques ancestrales de type chamanique, cela donne : que dois-je faire pour attirer la faveur des esprits et que le gibier s'offre à moi, en-dehors de mes connaissances propres de pratique de chasse ? On s'en réfère au numineux.

Le numineux c'est l'expérience affective du sacré, défini par Rudolf Otto, philosophe théologien, en 1917. Le terme est dérivé du latin "numen", injonction, volonté. C'est la puissance agissante de la divinité, un « sentiment de présence absolue, une présence divine ». Le numineux est à la fois mystère et terreur.

Avec le développement scientifique des sociétés occidentales, et la démarche matérialiste (en réaction aussi à l'obscurantisme), on a plutôt cherché à se soustraire à la soumission du numineux. À se référer à des mécaniques contrôlables, prévisibles, d'une autre manière. 
Or, la crise du pouvoir personnel dans la vie n'étant toujours pas solutionnée pour les humains (scoop !), le numineux n'ayant toujours pas disparu tandis que nous résolvions des choses avec notre intelligence, les questions continuant d'augmenter, nous assistons plutôt aujourd'hui à un retour de la prise en compte du numineux, de l'expérience sacrée qui peut s'exprimer dans le "hasard" du tirage.

Regardons ce que nous disent les lames du Tarot de Marseille sur cette question de la divination, sur le fait de deviner, en lien avec le divin.

Elles nous disent d'abord que le Tarot est un jeu : arcane I du Bateleur (...) (voir aussi la vidéo dédiée).
La vie est un jeu, le Tarot peut être un jeu sur la vie.
Comme toute la dimension symbolique des jeux depuis que les êtres humains ont développé une conscience "sapientia" : les osselets, les dés, les jeux de parcours, de labyrinthe, comme le jeu de l'Oie, le jeu d'échecs et leurs ancêtres, et bien sûr les jeux de cartes.

Je cite ici Isabelle Nadolny, dans son ouvrage "Histoire du Tarot", qui cite elle-même Jean-Marie Lhôte, dans "Le Symbolisme des jeux" (1976) :
"L'historien du jeu Jean-Marie Lhôte considère avec une grande justesse un homme qui jette un coquillage en l'air, en se demandant à quel moment l'homme va faire un vœu en se disant : "Si le coquillage retombe sur le côté rond, je vais avoir de la chance, s'il retombe sur le côté creux, ce n'est pas de bon augure." Il se demande ensuite à quel moment interviendra un partenaire pour lui dire : "Si c'est le côté arrondi, tu gagnes, si c'est le creux, c'est moi qui gagne." Qui peut le dire ? Tout jeu a pour cause le désir de l'homme d'exercer ses facultés physiques ou cérébrales, de montrer sa force ou son habileté face aux autres. Et quand le hasard y entre, on joue pour savoir lequel des joueurs sera favorisé par... le sort, la chance, la fortune, la providence ? Dès qu'on évoque le sort, on peut évoquer aussi la destinée, le destin, la fatalité, la magie... Qu'est-ce qu'un bon ou un mauvais sort, sinon aussi un acte magique ? Toute une palette de notions fondamentales entre en jeu dès qu'on évoque les jeux de hasard."

Après l'atout I du Tarot, Le Bateleur, prenons l'atout X, qui est numérologiquement un 1, par réduction (un début et une fin, un commencement et un achèvement, un changement et une continuité) : l'arcane X est La Roue de Fortune.

Tiens, la Fortune. Fortuna est une divinité romaine, dont le nom vient du latin "fors", qui signifie le sort, et qui vient de l'étymologie "ferre" en latin, qui signifie "porter", "apporter".

Le mot "femme" provient de cette étymologie. D'ailleurs Fortuna est une femme, et on retrouve au-dessous et au-dessus de cet agencement des lames majeures du Tarot, L'Impératrice et la femme de L'Étoile potentiellement enceintes (c'est plus ou moins visible selon les jeux), qui portent, qui apportent. (Les sphères...)

Donc Fortuna est celle qui apporte le sort, qui porte la fertilité (même origine du mot), la bonne ou mauvaise fortune, et ses attributs sont la roue, la sphère, le gouvernail, la proue de navire, la corne d'abondance. Ici, dans le Tarot, nous retrouvons la Roue.

On pourrait donc penser en voyant cette carte que l'on est soumis au sort des dieux (ou de l'"univers"). 
En partie, il y a des choses écrites, des lois écrites, La Papesse, et La Justice, nous le montrent. Mais avec L'Hermite, témoin de cette "sapientia", il est bon de se pencher dessus, de chercher à les éclairer de notre lanterne.
Parce que, tu ne peux pas tout maîtriser, en tant qu'être incarné dans un monde limité où tu ne peux pas voir en même temps toutes les faces de la pièce, mais tu peux se faire rejoindre les choses, par la dimension de ta compréhension. Par ton œuvre symbolique, la connexion avec cette dimension d'âme, qui fait se rejoindre les choses, la dimension du verbe, et du sens des actions. (Axe du Monde, Vesica Piscis, les cercles, les sphères qui se rejoignent...)
Dans ta condition humaine qui n'est pas divine, où il y a du subi, tu peux tout de même acquérir de la maîtrise, et créer cette connexion avec cette dimension "insoumise" - sans pour autant échapper à la souffrance et aux lois terrestres.

Si l'on superpose la carte du Bateleur et celle de La Roue de Fortune, on obtient un personnage qui tient un gouvernail, qui n'est pas soumis qu'au jeu des dés, sur sa table, au "hasard" (de l'arabe "az-zahr", le dé).
Le Tarot nous montre que la vie est un jeu, mais la vie est aussi une navigation, sur la mer de La Roue de Fortune, Le Bateleur est monté sur son embarcation ("bastel", bateau) (il y aussi la présence du Mat, au passage), et il est guidé aussi par L'Étoile, et les astres au-dessus de lui, et tout un tas d'autres transmissions.
Mais il ne fera pas l'économie de l'expérience (et de la torture, de la souffrance : la roue en miroir avec Le Pendu...).
Et il devra travailler son adresse pour jouer et naviguer.

En somme, le Tarot nous montre les deux : le sort, en partie subi, et le rôle, l'influence de nos actions, de nos choix, de nos orientations, en lien avec ce sort.
Une sorte de partenariat, de jonction que l'on peut faire.

Et donc, pour revenir à nos moutons, le Tarot nous dit que tirer les cartes, c'est jouer. Jouer avec le sort, s'y soumettre, comme dans la vie, et aussi s'exercer à entrer en maîtrise.
Et quand on pratique l'art de tirer les cartes, pour soi ou pour les autres, on allie les deux :

-la divination, où peuvent apparaître, depuis le moment où l'on tire, des visions supposées de ce qui pourrait se produire, mais ce n'est pas systématique, et nul ne peut savoir avec certitude ce qu'il se passera, tant que cela ne se passe pas. 
D'où l'entraînement à la prudence, à  l'humilité, à l'éthique et la déontologie de la personne qui tire les cartes (le but n'étant pas de jouer sur la crédulité des personnes qui consultent, dans ce cas, on resterait dans la dimension du Bateleur qui trompe et se trompe aussi. La manipulation des sentiments des autres. L'intention que l'on pose en tirant les cartes est primordiale).
Donc les réponses divinatoires apparaissent plus comme des indications, des pistes (que l'on s'entraîne à voir, à renifler), des messages, qui peuvent éventuellement guider l'orientation de la personne, qui est au centre dans son libre choix.

-À la partie divinatoire, on allie la dimension orientation en terme de compréhension, de sagesse, de conseil d'action, en lien avec le symbolisme : faire se rejoindre les deux faces de la pièce, du symbolon, rejoindre la dimension d'âme.

Aujourd'hui, on parle plus facilement de développement personnel, d'empouvoirement ("empowerment") que de divination ou d'ésotérisme ou même de sagesse, qui sont des mots qui font peur (qui relèvent du numineux !).
Comme on ne veut pas inquiéter, on préfère utiliser des termes lisses, plus neutres (sans être pour autant dans la sacro-sainte objectivité scientifique !), on favorise alors des termes moins emprunts de mystère et de religiosité.

Or cela n'a jamais été les mots, les affichages, quand bien même ils seraient lisses et fréquentables, qui ont empêché, ni qui n'empêcheront, l'abus et la manipulation.
Comme l'ésotérisme et La Papesse le montrent, il faut toujours aller voir ce qui se cache derrière les choses apparentes, les affirmations, les bonnes intentions.

Enfin, pour revenir à l'exemple d'une question qui vient souvent : savoir ce qu'il va se passer avec cette personne.
On peut obtenir des informations, parfois intéressantes, permettant de se guider, mais au final, bien souvent, on ne fera pas l'économie, de quelques réflexions pour nous remettre en action, et dans une vision évolutive, du style : 
-est-ce que ce que j'attends est en concordance avec ce que je recherche ? par exemple, 
-que puis-je faire pour me "favoriser" dans la situation ? sans être uniquement dans l'attente de la chance ou de la malchance...
C'est chercher une guidance pour vivre au mieux dans le présent, mettre en place des choses pour favoriser ce que je souhaite si cela est possible, profitable, etc. 

Donc la pratique de la divination est bien, en ce sens, présente dans les tirages que l'on fait en projection, ne serait-ce que par la carte qui "sort" "au hasard". Et je crois que ce mot n'est pas à craindre, ni à écarter, à partir du moment où on clarifie ce qu'il peut recouvrir pour soi et manifester dans sa pratique.

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